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le mur
nuit blanche 2009
duos
Automne-Hiver 2003-2004
le littoral méditérrannéen
Walker
Au milieu des décors désertés de l’architecture moderne, une figure humaine déambule avec lenteur. Au bout d’un moment, un changement se produit. La visite continue dans le même lieu, mais le marcheur diffère. Un second personnage est apparu, tandis que le premier s’est volatilisé dans une collure. Le second continue la nonchalante entreprise du premier. Un peu plus tard, il disparaît à son tour, quand le premier revient. Et ainsi de suite... Dans chaque film de la série Walker, deux silhouettes traversent donc des espaces architecturaux, peut-être en même temps, peut-être pas, car jamais elles n’apparaissent ensemble. Les deux promeneurs sont d’une certaine manière
interchangeables. Entre eux, la ressemblance n’est pas flagrante, mais elle suffit à troubler la claire distinction de leurs différences : même silhouette dégingandée, même démarche hésitante, même postures d’attente ou de contemplation, même indolence, même lenteur, même attitude, même rythme. Le même lieu est montré à chaque plan. A chaque raccord, la continuité de la lumière indique une unité temporelle. Mais cette unité de temps et d’espace ne suffit jamais à les raccorder tout à fait. Par ce jeu de cache-cache, forme équivoque de montage parallèle, chaque corps demeure bien séparé, isolé dans une bulle. Les espace-temps de ces films sont à la fois étanches et troués, manquant chacun de ce qui les relierait l’un à l’autre. En ajournant continuellement le contact des deux promeneurs, chaque nouvelle réalisation nous les montre étrangement juxtaposés, plutôt qu’englobés dans un espace-temps unificateur, conventionnel. Dans cet espace-temps continu, rendu insaisissable par ce dédoublement des figures et des points de vue, chaque protagoniste apparaît comme la doublure de l’autre. Et tout se passe finalement comme si le film prenait une identité propre, Walker ne serait personne en particulier. Comme si Walker n’était qu’une sorte de statut flottant, restant in assignable où chacun de ces deux corps visibles ne serait qu’un avatar possible de l’entité Walker. Le sens manque toujours à cette double déambulation. Sur le but de leur présence, l’indétermination se maintient jusqu’au bout, au long d’une attente qui semble sans borne. La temporalité des Walker est exempte de véritable tension, et donc de toute résolution possible. C’est qu’une patience plus profonde les fait se mouvoir. Manifestement, les figures essentielles de ces films sont l’espace et le temps, et peut-être ne sont-ils là que pour offrir un fond à ces figures ; le fond de leur flottement existentiel, de la vacuité qui s’installe au long de leurs parcours hésitants. Leur mouvement désorienté, risquant continuellement de basculer dans l’immobilité, fait apparaître le lourd écoulement du temps, et l’espace qu’ils traversent devient à leur contact une matière fuyante, d’une énigmatique limpidité. Mais qu’attendent-ils donc, qui ne soit pas déjà là ?
La marche des Walker, apparemment sans dessein, ouvre donc sur cette singulière possibilité : celle d’une présence purifiée de toute cause, désencombrée de toute raison extérieure. Présence désaffectée, assumant son caractère lacunaire, son incomplétude essentielle. De cette manière, ce qui se propose à travers ces déambulations, plus profondément que l’attente ou l’ennui, c’est le désoeuvrement pur et simple, condition de toute réelle disponibilité. Disponibilité à l’espace, disponibilité au temps, ouverture à ces données de l’expérience en tant que purs phénomènes, dont seuls des corps vacants, dénués de projet, peuvent devenir les surfaces d’inscription privilégiées.
Boris Nicot
Boris Nicot, notes à Propos des films de la série Walker de Thomas Bernardet et Florent Mulot diffusés durant les projections des Ecrans d’essais.
«Scénario pour un voyage immobile»
Ville des doublures
Walker03
Incendie au domaine de la Valsière, agglomération de Montpellier, 2003, 29 min.
Walker00
La Cité Radieuse, architecte Le Corbusier, Marseille, 2000, 24 min.
Walker01
Le Pré Catelan, architectes VG. Letia et L. Lombar, Toulouse, 2001, 19 min.
Walker02
Le Colisée, architecte Kisho Kurokawa, Nîmes, 2001, 15 min.
Musique : Labradford